La vérité de l'Alligator by Massimo Carlotto

Auteur:Massimo Carlotto [Carlotto, Massimo]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature italienne, Policier
ISBN: 9782070496921
Éditeur: Gallimard - Série Noire
Publié: 1998-04-13T22:00:00+00:00

— Dommage. La technique la plus simple aurait été d’occuper de nuit l’objectif, avec neutralisation momentanée du personnel et perquisition ciblée… Dommage, vraiment dommage… Bon, l’autre solution est de s’infiltrer chez l’ennemi, opérer une reconnaissance et enfin procéder à une série d’interrogatoires.

— Tu peux nous expliquer un peu mieux ? », a demandé Beniamino.

« Vous vous présentez à la porte de la clinique, déguisés en inspecteurs du travail, en montrant vos cartes professionnelles… ne vous inquiétez pas, c’est moi qui m’occupe des détails. Puis vous demandez où sont les bureaux administratifs… vous dites que vous êtes chargés par l’inspection provinciale du travail de contrôler la régularité des embauches et vous demandez qu’on vous apporte le registre matricule de la clinique. Là, vous cherchez le nom des infirmiers qui travaillaient pendant l’année qui vous intéresse et qui, depuis, sont partis à la retraite. Vous sélectionnez ceux qui vous paraissent les plus utiles et influençables, vous les contactez et, en utilisant les moyens qui vous semblent les meilleurs, vous essayez de rafraîchir leur mémoire. Ce n’est pas simple mais c’est réalisable. »

Beniamino lui a demandé, avec la gentillesse que l’on réserve aux malades mentaux :

« Excuse-moi, Colonel, mais je comprends toujours pas.

— Allez, les gars, un peu d’imagination. Si vous vous adressez au personnel actuellement en service, médecins ou infirmiers, vous n’obtiendrez rien. De nos jours, les gens ont peur de perdre leur boulot. Mais les retraités ont coupé les ponts avec le milieu du travail, ils n’ont plus rien à craindre et ils ont souvent du mal à joindre les deux bouts. Les infirmiers savent mieux que les médecins tout ce qu’il se passe dans une clinique. Vous avez dit que ce garçon était soigné par le psychiatre Agostino Andreose ? Ce type est devenu grand ponte, vous ne tirerez jamais rien de lui. Les seuls qui pourront vous donner les informations que vous cherchez, ce sont les infirmiers qui étaient en contact avec le patient.

— Tu penses qu’ils vont avaler le coup des inspecteurs du travail ? », j’ai demandé.

« J’en suis sûr. C’est un truc que j’ai utilisé plusieurs fois et ça a toujours fonctionné. Il vous faut un bon déguisement… voyons… comme nous sommes en août, je vous conseille des chemises à manches courtes de couleur sobre, des pantalons assortis et des chaussures noires avec lacets. Pas de bagues, de colliers, de bracelets…, il s’est tourné vers Rossini, « … pas de jeans serrés ni de bottes en serpent et pas d’anneau de pirates aux oreilles », a-t-il terminé en me regardant.

« Il peut pas y aller tout seul ? », a demandé mon ami en faisant un signe vers moi.

« Non. Les inspecteurs vont toujours deux par deux. »

Pendant une heure encore nous avons harcelé Le Colonel avec nos questions et, à la fin, nous avons reconnu que son plan était habile. Moi, j’étais enthousiaste et, avant de partir, je lui ai planté un baiser sur le front :

« Colonel, tu es un type génial.

— Merci, Alligator. Si vous avez encore besoin de moi, revenez me voir.

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